jeudi 19 septembre 2019


Il y a quelques années, en initiant ce blog, je mentionnais que je travaillais pour Les Laboratoires Servier. Depuis, j’en ai pris ma retraite. Et si je ne retire pas une virgule de ce que j’écrivais alors, j’ai davantage la liberté d’écrire ce que je pense et ce que je sais, et de le signer puisque je suis dégagé des éventuelles réserves que j’aurais pu avoir alors.

Depuis la date de mon dernier article, il y a sept ans de cela, le Dr Jacques Servier est mort, le Dr Hélène Frachon a dit avec haine qu’elle regrettait qu’il ait ainsi échappé à son procès, elle qui rêvait de le voir mis au bûcher, et, comme Grande Inquisitrice, de gratter elle-même l’allumette. Le film dont elle était l’héroïne n’a pas eu tout le succès escompté, les acteurs de l’époque sont lentement, comme elle, entrés dans l’oubli. Il y a eu des distractions de l’opinion publique, certaines font rire, d’autres sont hélas épouvantables : François Hollande, l’éternel trempé de pluie, cravate de travers et casque de moto au sommet du crâne, l’horreur des morts par terrorisme, puis Macron et ses bras levés en triangle, les gilets-jaunes et leurs excès, et la décomposition lente et sereine de la société française.

Mais le 23 septembre prochain, oyez, braves gens, il va y avoir du nouveau ! Le procès au pénal de Servier s’ouvre ! Un article du récent n° 2863 de l’Obs fait ressurgir notre Sainte Hélène, présentée dans une photo pleine page en petite sirène sur les rochers de Trez Hir, en Bretagne.

Elle rappelle dans son interview l’étude de l’épidémiologiste Catherine Hill concluant sur 2000 morts et 3500 hospitalisations liés au Mediator®, sans préciser que la méthodologie de cette étude fut désavouée par la communauté scientifique, dont des gens de haut niveau comme le Professeur Acar, spécialiste mondial des valvulopathies, ou le professeur Alperovitch qui fit là-dessus un rapport alarmant à la Direction Générale de la Santé. Elle s’abstient tout autant de préciser que madame Hill est la tante de l’avocat des plaignants, Maître Charles-Joseph Oudin. Vous avez dit « conflit d’intérêts » ? Madame Frachon précise que d’autres épidémiologistes ont abouti aux mêmes estimations, sans dire qu’ils avaient suivi la même méthode que leur consœur Hill.

Qu’en est-il vraiment du Mediator® ou benfluorex ? Il n’est pas niable que ce médicament a provoqué des accidents tels que ceux qu’on lui reproche. Mais dans quelles proportions et avec quelle responsabilité ?
Ce qui n’est pas encore clair, c’est le nombre réel de cas, le nombre réel de morts, et les abus éventuels de dosage prescrit par certains médecins. Car dans le traitement de l’hyperlipidémie (trop de lipides dans le sang) puis dans le traitement du diabète par insulinorésistance, dit « diabète de type 2 », la dose recommandée était un maximum de 3 comprimés par jour. A cette dose, la perte de poids des patients ne dépassait pas 1 kilo. On sait que certains médecins augmentaient considérablement cette posologie dans le but de faire maigrir leurs patientes. Cette utilisation erronée d’un médicament est souvent le fait de praticiens qui pensent avoir découvert un usage différent de celui préconisé par le laboratoire et enregistré comme tel par les Autorités de Santé. On sait par exemple que la metformine (Glucophage®) un antidiabétique connu et qui agit également sur l’insulinorésistance, est parfois prescrite mal-à-propos pour faire maigrir et que la perte de poids peut atteindre 10 kg en quelques mois. Par quel mécanisme ? Pour diminuer le taux de glucose dans le sang, le pancréas produit de l’insuline qui favorise le stockage de ce sucre, en particulier dans les cellules hépatiques, dans les muscles et dans la graisse. Quand ces cellules ne réagissent plus, ou moins bien, on parle d’ insulinorésistance. Quand l’insuline est ainsi rendue inefficace, le glucose se stocke sous forme de graisse. On prend du poids. Les médicaments qui rendent son efficacité à l’insuline ou empêchent l’absorption des glucides font donc maigrir.
Concernant le Mediator®, le dossier de pharmacovigilance était si peu fourni que deux génériques avaient été autorisés en mars 2008 (!), dont avaient bénéficié les Laboratoires Mylan et Merck. Malgré cela, en fonction de deux cas d’effets secondaires graves, l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) surveillait depuis 1995 les médicaments à base de benfluorex. En 2007, constatant probablement les abus décrits plus haut (ils atteignaient, semble-t-il 20% des prescriptions), elle recommandait seulement d’éviter sa prescription comme coupe-faim.
C’est en 2009 que Servier, sur la base d’une étude comparative avec un autre antidiabétique (étude Regulate), constatait une aggravation de certaines valvulopathies liées au diabète et en accord avec l’AFSSAPS retirait le produit du marché.

Alors où sont les responsabilités ?

Espérons que les juges sauront faire le tri entre ce qui est du domaine du sensationnel, de la publicité personnelle ou de l’intox, et ce qui relève de la réalité, et feront la part des responsabilités des principaux acteurs de cette triste histoire.

mercredi 3 octobre 2012

Les Fausses espérances


Ah mes amis, quelle histoire ! Voilà qu'on nous dit que plus de 80% des dossiers Mediator traités par l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) ont été rejetés et que ceux qui sont retenus ne traduisent que de faibles aggravations de la pathologie valvulaire. 


Sainte Irène enfourche derechef son destrier rouge et assène que les experts ont subi des pressions de la part des Laboratoires Servier.
Si je faisais partie de ceux-là, après m'être insurgé que cette passionaria de la haine médicale puisse mettre en doute mes capacités scientifiques, je porterais plainte contre elle pour diffamation. Quand en commençant ce blog j'écrivais qu'il y avait acharnement, le mot semblait abusif à certains. Voilà que je le trouve bien faible, désormais ! 
Que dit en effet notre grande spécialiste : "le doute doit profiter à la victime". Mais s'il n'y a pas victime, que fait-on ? Et elle souligne d'ailleurs de façon ahurissante que doit être pris en compte "le préjudice d'angoisse". Alors là, question : D'où vient cette angoisse, qui l'a créée ? Ne serait-ce pas ce collège de personnages étranges qui chaque jour, pendant des mois, se relayaient pour dire à de malheureux patients qui avaient pris du Mediator qu'ils allaient tous mourir ou rester infirmes ? Avec Irène Frachon en porte-drapeau, évoquant la larme à l’œil les drames qu'elle suscitait peut-être, devant des caméras de télévisions complaisantes ?

Tout a été fait, orchestré, répété de façon assourdissante et souvent dans le mépris du droit, pour qu'un des fleurons de l'industrie pharmaceutique française devienne le bouc-émissaire d'une campagne de dénigrement destinée à faire croire aux braves gens que les médicaments sont des poisons et que ceux qui les fabriquent sont des profiteurs immondes de la naïveté des malades. Un bouc-émissaire qui n'était pas en bourse, d'ailleurs, cela ne vous a pas frappé ? On réduit le déficit de la Sécurité Sociale qui participe au déficit global du pays sans toucher aux marchés, et sans davantage faire descendre le bon peuple dans la rue, ce qu'il fait dès qu'on touche à sa Sécu. Bien joué, non ? 
Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on en profite dans la foulée pour résoudre le problème de l'allongement de la durée de vie après l'âge de la retraite, en convainquant les septuagénaires heureux qu'on les empoisonne au lieu de prolonger leur espérance de vie. C'est vrai qu'il est coûteux, pour un pur économiste, ce trimestre d'espérance de vie gagné chaque année pendant des décennies, grâce à l'arme merveilleuse de grands médicaments dont la France fut longtemps pionnière ! On pourrait comme cela continuer à trouver bizarres certaines concordances, mais ne sombrons pas forcément dans une théorie du complot. Contentons-nous de rappeler cet article déjà cité dans une chronique précédente où l'on dénonçait la revue Sciences et Avenir et son article bidonné sur les benzodiazépines provoquant la maladie d'Alzheimer (dans lequel étaient citées des molécules n'ayant rien à voir avec la classe des benzodiazépines, mais quand on n'a pas le souci de la vérité, on peut bien faire passer des vessies pour des lanternes, non ?). On pourrait encore signaler cet étrange réveil des duettistes vertueux que sont les docteurs Even et Debré, l'un au PS et l'autre à l'UMP, mais qui se retrouvent sur le même banc de contempteurs des médicaments inutiles... ils en ont tout de même trouvés 4000. Dont un joli éventail fabriqués par Servier. Comme par hasard. Quel dévouement à la cause publique, mais quel réveil étrange de nos deux compères !

Dans cette hypothèse du montage, ce qui met en rage, quand on a le respect du malade (et il s'apprend chez Servier), c'est le mépris absolu dans lequel tous ces soi-disant bien pensants tiendraient les pauvres gens qu'ils font semblant de défendre.
La justice passera-t-elle un jour et son bras s'alourdira-t-il sur leurs épaules ? Ce serait intéressant à vivre.

lundi 9 avril 2012

GAZETTE DU COMBAT SERVIER EN PLEIN PRINTEMPS ELECTORAL


C’est tout à fait étonnant ce qui se passe en cette fin mars - début avril !
Malgré la sinistre campagne électorale qui pollue nos ondes, ou peut-être à cause d’elle (il faut bien se distraire un peu), on s’attendait bien à ce que les clameurs des sans culottes reprennent avec l’approche d’un premier procès.
Anne Jouan – l’étonnante journaliste qui ne semble concentrer son activité journalistique sur l’Affaire Mediator – avait déjà commencé de sévir dans le Figaro depuis le 15 mars, ce qui constituait un signe avant-coureur. C’est le Journal du Dimanche, immédiatement repris par ce qui reste de France-Soir sur le seul Internet, qui ouvrit le bal le 1er avril (fut-ce prédestiné ?) en titrant sur « les essais secrets sur l’homme » du Mediator.
Las ! Loin de battre sa coulpe, Servier reconnut, dans un communiqué de presse, que c’était parfaitement exact et que justement « l’analyse des essais dans leur globalité n’a pas permis de conclure à l’activité anorexigène chez l’homme ». Servier ajoutait qu’il avait fourni au JDD tous les éléments permettant de faire connaître la vérité plutôt que de distiller le mensonge.
C’est dommage, le JDD avait la possibilité de prendre le contre-pied de la fable, il a préféré hurler avec les loups. C’est plus confortable mais peut-être moins correct du point de vue journalistique. Qui osera un jour, dans la presse écrite, émettre au moins des doutes ?
On en était là et tous, amis et ennemis, attendaient benoîtement l’ouverture du procès devant le Tribunal Correctionnel de Nanterre le 14 mai prochain quand une première condamnation est tombée… Ô surprise, ce n’est ni le Dr. Jacques Servier, ni l’un des cadres de son laboratoire mais un certain Henri de Bodinat, condamné par le tribunal de Grande Instance de Paris pour les propos qu’il avait écrits dans un blog et qui constituaient, selon les termes du Tribunal, une atteinte à la présomption d’innocence. Faut-il commenter ou plus simplement admirer le courage de la Justice ? Tenons-nous en là pour l’instant, en rappelant cependant que d’autres plaintes déposées par Servier, dont celles contre des hommes politiques qui se sont crus au-dessus des lois, sont encore à juger.

mardi 8 novembre 2011

Les ondes de la haine


O
n croyait avoir tout vu avec l’article paru il y a quelques semaines dans la revue pseudo-scientifique intitulée Science et Avenir. Ils avaient écrit, et plus de 110 journaux, magazines, radios ou sites web avaient repris l’information, que les benzodiazépines provoquaient la maladie d’Alzheimer. Dans la liste de ce qu’ils appelaient les « benzodiazépines », on trouvait tout et n’importe quoi, d’authentiques benzodiazépines, certes, mais aussi des médicaments n’ayant rien à voir avec ces molécules, tranquillisants, somnifères, antidépresseurs, etc. Tous ayant trait, il est vrai, au système nerveux central, au « cerveau ».
On sait que la France détient un certain record de consommation de médicaments dans ce domaine. Est-ce de l’abus ou bien est-ce parce qu’il se trouve véritablement des patients perdant chaque jour de plus en plus leurs repères dans un pays qui n’en offre plus ? Nous n’entrerons pas dans cette discussion philosophique. Seulement les faits et une interprétation possible.
Car il fut intéressant de constater que ce premier article, cent fois repris, comportait une série de références bibliographiques. Or, lorsqu’on se donnait la peine de rechercher le contenu de ces articles comme le firent certains médecins intelligents, on n’y trouvait aucune preuve tangible des assertions des journalistes, ceux-là mêmes qui avaient rédigé un article mensonger et avaient fait parler un malheureux professeur Bernard Bégaud, pharmacologue bordelais, qui devant les excès provoqués par ses dires, expliquait peu de temps après d’un air gêné que « il n’y a pas de lien de causalité directe démontré ». Consternant. Et surtout dangereux pour la Santé Publique car il est clair que de nombreux malades abandonnèrent instantanément leur traitement anxiolytique et firent probablement quelques bouffées d’angoisse et peut-être même – mais qui en parlera ? – aura-t-on pu assister à des suicides en série.
Ce jour-là j’ai brutalement compris d’où venait le montage contre la Maison Servier. Voici l’hypothèse et vous allez voir qu’elle tient la route :
Monsieur Bertrand, sémillant ministre de la Santé, doit comme tous ses collègues participer à la baisse de la dette de la France, ce montant ahurissant de 1706 milliards d’euros. Or il est responsable d’un gros déficit, celui de la Sécurité Sociale, dont le cumul atteint la coquette somme de 136 milliards d’euros à fin 2010. Si l’on compte qu’il s’alourdit bon an mal an de 20 à 30 milliards, on peut affirmer qu’il dépassera 150 milliards pour la prochaine Saint Sylvestre (celle de 2011 !). On ne devrait pas être loin de 12% de la dette totale de la France. Il faut donc diminuer, rogner, aboutir à l’équilibre pour 2016, allez Xavier, au boulot comme les autres !
Que fait notre Grippeminaud ? Il sait que s’il essaye de réduire à la hussarde son déficit, il aura la France dans la rue le lendemain. « On ne doit pas toucher à la Sécu ». Il choisit un gros laboratoire, mais qui n’a pas d’actionnaire, sans quoi ce ne serait pas correct vis-à-vis du monde boursier et les retombées pourraient être graves. Ce sera Servier, candidat idéal au rôle de bouc-émissaire. Une belle société pharmaceutique privée, indépendante, qui a des produits dans divers domaines, dont le fameux système nerveux central. On va monter autour d’elle un beau scandale et on sait que ses réactions ne seront pas de prime abord vives ou brutales car ce n’est nullement le style de son Président. On va jeter dans l’arène les cadavres de milliers de malades soumis au Mediator, on en établira le nombre sur des bases fallacieuses, et le bon peuple hurlera sa haine comme au meilleur temps des jeux du cirque. De là, on pourra faire valoir que Servier n’est que la face émergée d’un iceberg qui englobe toute l’industrie pharmaceutique française, rendez-vous compte, ma bonne dame, que vos benzos allaient vous coller un Alzheimer, le bon Ministre apparaîtra à la télévision pour dire qu’il sauve le peuple de France des pilules qui tuent et il aura gagné sans une grève et avec l’accord de toute la classe politique une brutale réduction du déficit de la Sécu. C’est beaucoup plus malin que de s’en prendre aux régimes de retraites spéciaux où l’on s’arrête à 50 ans en étant certain de toucher 100, voire 110% de son dernier salaire.

Donc on croyait avoir tout vu. Mais il fallait en rajouter un peu. Ce fut le soir du 8 novembre 2011 sur Arte. Tout fut ressassé de nouveau, les mêmes images revinrent : la bonne Hélène Frachon en médecin héroïque, le Dr Jacques Servier dans le rôle de corrupteur, de manipulateur d’une classe politique trompée et de fonctionnaires naïfs et soudoyés, un laboratoire qui n’a produit aucun produit innovant et n’a jamais fait que développer de vieilles molécules en les rajeunissant grâce à un marketing « d’enfer » (seule concession, faite à bon droit cette fois-ci, à cette détestable expression à la mode). On n’a pas évoqué ce qui gênait, l’insistance du bon ministre qui avait en son temps maintenu de force le remboursement du Mediator, on n’a pas dit que deux génériques avaient reçu leur AMM, on n’a pas noté que l’étude qui avait déclenché le retrait du produit avait été lancée et payée par Servier, on n’a nullement remarqué que les patients diabétiques sont enclins pour la moitié d’entre eux à développer des valvulopathies. Rien de tout cela. Un journaliste allemand très abscons pour reprendre l’image de l’entente Angela - Sarko, des ministres et des députés se gardant bien de manier l’insulte car certaines plaintes ont été déposées contre leurs calomnies antérieures, et surtout de pauvres victimes à qui on a fait jouer, et elles étaient sincères, ce rôle épouvantable de celles qui étaient condamnées et se battaient avant de mourir. C’était pathétique et abominable. Il n’y avait véritablement pas de mots assez durs pour condamner, définitivement et sans appel, une société aussi effroyable. On avait presque envie de poser la question : « Faut-il dès lors lui accorder même le bénéfice d’un procès ? ». Peut-on imaginer qu’un juge puisse résister à ce tableau à la Goya et analyser en conscience des preuves et des faits ? Il lui faudra un courage remarquable s’il conclut un jour à l’innocence de celui qu’on a présenté ce soir comme un monstre.
Mais… le téléspectateur aura-t-il remarqué qu’aucune défense des Laboratoires Servier n’a été assurée, que personne de la société n’a été invité sur le plateau ? Parce qu’une fin de non-recevoir avait été opposée à cette juste demande. En sera-t-il de même devant la Justice ? N’y aura-t-il comme ce soir qu’un Robespierre ou un Saint-Just ? Ou bien sera-t-il un jour possible dans ce pays de retrouver la sérénité nécessaire à la découverte de la vérité, loin du tintamarre et des clameurs de haine ?

jeudi 8 septembre 2011

De l’acharnement à la manipulation


La presse revendique souvent sa « liberté » mais qu’en fait-elle, comment en abuse-t-elle et avec quelle incroyable impunité cherche-t-elle à façonner une opinion publique qui croit naturellement « ce qui est écrit dans les journaux » ou bien « ce qu’on a dit à la télé » ?
Nous venons d’en avoir récemment une illustration étonnante et fort inquiétante.
Pour Servier, le mois d’août fut presque tranquille, le journaliste moyen se concentrait sur les avatars de monsieur Strauss-Kahn. Mais à peine commençait-on d’évoquer son prochain retour en France qu’il fallut retrouver une nouvelle source de papiers. Plus que jamais, la crise engendrait des nécessités d’économies, y compris dans le domaine de la Santé Publique. Les Laboratoires Servier, leur président fondateur et le Mediator allaient reprendre leur place de bouc-émissaire.
Dès le 19 août 2011, dans Le Figaro, Anne Jouan reprenait sa plume acide pour faire état, d’un ton offusqué, d’une étonnante étude de l’Afssaps et de la Direction Générale de la Santé, confiée à un étudiant en peine de master. Ce fringant jeune homme y compile 2576 fiches envoyées par 236 médecins et en tire des conclusions qu’il semble estimer pertinentes. Précisons qu’on avait demandé à tous les cardiologues de France de participer à cette étude destinée à analyser « tous les patient ayant été exposés au benfluorex, pour lesquels une échocardiographie avec examen Doppler était réalisée afin de quantifier l’intensité de la fuite valvulaire ». Il constate d’après ces observations que seulement 23% des malades ont pris du Mediator dans le cadre de son autorisation de mise sur le marché. Loin d’être faible, ce pourcentage est même étonnamment élevé : on peut en effet imaginer qu’un certain nombre des fiches patients envoyées par ces 236 cardios (sur environ 6000 recensés, soit moins de 4%) ont été sélectionnées pour les besoins de la cause. De plus, l’auteur note qu’elles ont souvent été incomplètement remplies. Mais foin de la rigueur scientifique, cela ne l’empêche pas de conclure, cela n’empêche pas l’Agence Française du Médicament de publier, cela n’empêche pas madame Jouan de démontrer une fois encore qu’elle est partisane.
Le 25 août 2011, un obscur journal du web, Rue 89, publiait une charge à propos d’une publicité du Mediator datant de 1980 qui montrait un patient en surpoids atteint de ce qu’à l’époque on appelait le « diabète gras » (désormais diabète de type 2). Rapidement, qu’est-ce que cette maladie ? Parmi d’autres causes, c’est le schéma classique d’un patient dont l’alimentation déséquilibrée lui a fait gagner des kilos excessif. Ses muscles qui, sous l’influence de l’insuline, utilisaient le sucre (glucose) comme source d’énergie, vont tenter de limiter son surpoids en utilisant les acides gras et vont donc résister à l’action de l’insuline, d’où le terme d’insulino-résistance fréquemment évoqué. Le glucose de ce patient n’est plus utilisé et va donc se retrouver en excès dans le sang. Pour compenser ce surplus chronique de sucre dans le sang et cette résistance, le pancréas va secréter de plus en plus d’insuline. Ce qui aura deux effets nocifs, d’une part une accumulation des graisses dont l’insuline favorise le stockage, et d’autre part l’épuisement avec le temps des cellules bêta pancréatiques en charge de cette sécrétion. Or, que faisait le Mediator ? Il n’agissait pas comme coupe-faim mais comme adjuvant contre l’insulino-résistance. Cette représentation du patient diabétique gras ne tendait donc pas du tout à induire l’idée d’un médicament anorexigène mais d’un médicament traitant le diabète et même l’hyperlipidémie (lipides dans le sang) associée chez ce diabétique en surcharge pondérale. On se demande même en lisant l’article si le journal comprend bien que le terme d’hyperlipidémie désigne bien trop de lipides dans le sang[1] et non sous la peau du ventre, tant ses arguments semblent fallacieux !
Dès le lendemain, la ronde infernale des articles sans référence au réel se poursuivait. C’était Libération, cité par le ministre Bertrand, qui affirmait, en dépit des démentis les plus formels du laboratoire, que Servier prévoyait de poursuivre les médecins ayant prescrit le Mediator comme coupe-faim, c’était Le Point qui reprenait les accusations de Rue 89, et le sempiternel ballet de la répétition de l’information – fausse et non contrôlée – par d’autres journaux, des radios et des chaînes de télévision. C’est tellement plus simple de faire du « copier-coller » qu’un vrai travail de journalisme ! C’est aussi la technique que le regretté Vladimir Volkoff, grand spécialiste de la désinformation, a défini dans Le Montage, remarquable roman à thèse démontant les méthodes soviétiques pour influencer les médias et les moutons bêlants de la politique française.
C’est encore la haine tranquille d’Anne Jouan qui sévit dans le Figaro du 5 septembre où le chapeau de son article annonce tranquillement : « Le Figaro a consulté les interrogatoires réalisés cet été par les magistrats ». Quelle merveille que la violation du secret de l’instruction annoncée avec une telle tranquillité. Cela confine au cynisme, car on l’entend penser : « de toutes façons, il ne m’arrivera rien ».
Et pour dire quoi ? Que deux personnes âgées de 79 et 81 ans, qui collaborèrent à la recherche du Mediator il y a 40 ans et plus, se souviendraient que le produit fut initialement défini comme anorexigène puis masqué sciemment et indûment pour devenir un antidiabétique ? Mais qu’ont vraiment dit ces deux anciens collaborateurs, quelles furent leurs hésitations, leurs précautions, évoquèrent-ils des essais sur l’animal ou sur l’homme, comment les questions leur furent-elles posées ? L’histoire ne le dit pas. On le saura peut-être un jour…
On sortait à peine de ce déni de justice qu’un article de Libération du 7 septembre 2011 faisait non seulement la une de ce journal mais était repris par l’ensemble des media : Servier avait récidivé dans la tromperie à l’encontre des médecins et autorités de Santé avec son nouveau médicament contre l’ostéoporose. Oyez, oyez, Servier a caché les effets secondaires du Protelos ! Immédiatement l’entreprise publiait un communiqué de presse pour réfuter formellement cette accusation. Chose curieuse, l’EMA, l’organisme chargé de l’enregistrement des médicaments au niveau européen, venait de confirmer la validation de ses décisions en faveur du maintien sur le marché des produits Servier enregistrés sous procédure européenne, soulignant que si certaines arcanes procédurières avaient dû être rappelées au laboratoire, l’essentiel était rentré dans l’ordre comme en témoignait une inspection récente. Mais à nouveau, au soir du 7 septembre, plus de 500 articles étaient « pondus » sur la question, essentiellement par le procédé du copier-coller cher à nos pisseurs de copie. Il y en eut cependant a beaucoup plus depuis, qui soutinrent tous la thèse de la tromperie, évidemment. C’est tellement plus simple de hurler avec les loups.
Et c’est notre flamboyant Ministre de la Santé qui se crut bien inspiré en déclarant le 8 septembre que « la coopération [de Servier] avec les autorités sanitaires est aussi une obligation ». Qu’est-ce à dire ? Faudrait-il donc que le laboratoire, dont la discrétion est presqu’incroyable sous le torrent de boue qu’il reçoit, s’auto-flagelle en annonçant qu’il est coupable quand les faits démontrent le contraire ? Faudrait-il que ses 20.000 salariés viennent la corde au coup faire une génuflexion devant MM. Bertrand et Bapt (ce dernier visant sans doute un poste de Premier Ministre dans le gouvernement socialiste qu’il espère) ? Faudrait-il encore que le laboratoire Servier soit fermé, comme le demandent certains, lui qui rapporte en devises plus de 2,8 milliards d’euros à la France par an et qui sauve de multiples vies grâce à des médicaments qui font saliver d’envie de multiples entreprises internationales de la pharmacie et leurs actionnaires ? Alors c’est vrai, il n’y a pas d’actionnaires chez Servier, il n’y a que le réinvestissement constant depuis des années de 25% de son chiffre d’affaires dans sa Recherche, sa plus grande et légitime fierté. Dans un monde endetté jusqu’au trognon et qui ne sait plus comment résoudre le poids de sa dette, Servier a toujours joué la carte de la prudence financière et de l’indépendance et visiblement « on » ne le lui pardonne pas. Qui est ce « on », là est la question. Cet indéfini se définira-t-il un jour ? Peut-être, mais ce n’est pas certain : les victimes du sang contaminé cherchent encore les responsables qui ne furent pas coupables. Une fois encore, rappelez-vous Les animaux malades de la peste...


[1] Le radical « -émie » issu du grec haima – le sang – se retrouve dans glycémie (glucose dans le sang), uricémie (acide urique pouvant provoquer la goutte), etc. Mais pour le savoir, il faut avoir un peu lu.

dimanche 26 juin 2011

De l’acharnement contre le Mediator® à la mise en examen des médicaments


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L
e flamboyant ministre Bertrand s’est retrouvé un peu gêné devant les questions de certains députés début juin. Les rodomontades et les effets de manches n’étaient plus de mise quand il lui a fallu évoquer la responsabilité de l’Etat dans l’affaire Mediator®.
Et d’en donner une nouvelle définition en deux phrases successives : « Le Parquet c’est l’Etat », puis « L’Etat c’est la société ». D’où l’on déduit que le Parquet est la société, concept intéressant mais un peu confus, peut-être. Cela augure-t-il de la façon dont se défendra le Ministre quand on lui reprochera directement d’avoir maintenu en force le remboursement du Mediator par la Sécurité Sociale ? Car en l’occurrence, il eût pu dire en plagiant un grand roi, « l’Etat c’est moi ». Qu’est-ce que l’Etat, finalement, selon monsieur Bertrand ? Il faudra un jour enquêter là-dessus.
A propos de Parquet, il est intéressant de constater que Xavier Bertrand n’a pas été suivi dans sa définition, puisque la Cour de Cassation s’est opposée au regroupement des procédures contre Les Laboratoires Servier souhaité par le Procureur Général. Elle a décidé qu’il y aurait de façon distincte : procès au printemps 2012 à Nanterre (trois citations directes), et suivi des deux informations judiciaires ouvertes à Paris.
C’est dans ce cadre juridique que des perquisitions ont été menées le 8 juin à 6 heures du matin chez le Dr Servier et au domicile de deux de ses principaux collaborateurs. L’élégance du procédé est confondante. L’histoire ne dit pas si les pandores se sont vus offrir un petit déjeuner, mais ce n’est pas impossible car le Président Servier est d’une exquise courtoisie.

Et puis ce fut le lancement de l’opération contre l’Industrie Pharmaceutique. On peut à bon droit se demander (on va voir pourquoi) si là encore tout est bien naturel et ce que cachent certaines manœuvres.
C’est tout d’abord un second rapport de l’IGAS, sur la pharmacovigilance cette fois, mais qui fait nettement le lien avec le Mediator® dont les rapports existants de pharmacovigilance étaient vierges, ou presque. C’est une attaque en règle du système de santé français, que ce soit l’administration en charge de régulation des médicaments ou les laboratoires pharmaceutiques. Mais à aucun moment on n’évoquera l’encadrement du tarif des médicaments maintenus depuis plus d’un demi-siècle à des niveaux inférieurs à nombre de nos voisins européens, avec des hausses de prix toujours en dessous de l’inflation, ce qui nous a valu de ruiner une industrie jadis prospère, inventive, capable d’enrichir notre pays. A aucun moment on n’évoquera la gabegie dans la gestion de certains centres de sécurité sociale, non. Ce n’est pas le sujet. Il s’agit de fustiger le médicament et tous ceux qui s’en occupent.

Alors on va voir une débauche de propositions qui feront la joie du Ministre Bertrand qui en reprendra un bon nombre. Certaines d’ailleurs ne sont pas mauvaises quand elles tendent à simplifier les procédures, d’autres sont dangereuses. Si le rapport de la mission parlementaire sur le Mediator donne un certain nombre de pistes, la proposition de loi du député Bernard Debré, qui brûle la politesse de son compère Even, recèle quelques surprises, comme l’extension des pouvoirs de l’Afssaps et la virtuelle disparition de la HAS (Haute Autorité de Santé).
Les propositions de Xavier Bertrand s’inspirent donc de tout cela dans un salmigondis qui dénote une probable précipitation, avec d’évidentes absurdités.
Par exemple, la faculté donnée aux patients eux-mêmes d’alerter les centres de pharmacovigilance quand ils constatent un effet secondaire. Combien d’appels téléphoniques ces malheureux centres vont-ils recevoir par jour ? Et pour rapporter quoi ? Une nausée, une migraine, un vertige ou que sais-je encore ? Comment feront-ils la différence entre le véritable effet indésirable d’une médication (surtout s’il y a eu prescription multiple) et le « bobo » sans importance et surtout sans lien avec leur traitement ? Comment relier un effet indésirable au médicament dans le cadre d’un traitement au long cours (« je prends ce produit depuis des années sans avoir jamais rien constaté de tel ») ? Combien de fonctionnaires de santé va-t-il falloir recruter, et avec quelle qualification, quand il faudra répondre à ces appels incessants et déceler le sensé de ce qui ne l’est pas ?
Que devient le médecin dans tout cela, seul capable en principe de déceler le vrai du faux ou de ce qui est lié à l’angoisse de la maladie, ou à son évolution ? Dans cette « prise en charge » du malade par lui-même, n’y a-t-il pas risque d’une dérive vers l’automédication ? Est-ce cela l’effet recherché, est-ce la diminution des actes médicaux ?
On peut à bon droit se poser la question de la perte d’influence du médecin quand on voit que désormais les patients auront accès à un portail d’information sur les médicaments : que de difficultés de suivi des ordonnances en perspective ! On voit déjà cela : « Docteur vous m’avez prescrit le produit X, mais sur Internet j’ai lu que etc. » Cette perte de confiance des malades dans leur médecin traitant, cette incitation non écrite à l’automédication, cette angoisse que l’on fait monter dans la population à propos de sa santé risque de déboucher sur un accroissement de la morbidité et même de la mortalité de nos concitoyens. Est-ce le but recherché ?
Dans le même temps, les laboratoires pharmaceutiques qui voient leur visite médicale remise en cause (certaines propositions prévoyaient même sa suppression) vont néanmoins devoir payer la formation continue des médecins par le biais d’une nouvelle taxe. Au nom de quoi ? Il y a déjà une taxe sur la visite médicale ! à quoi sert-elle ? D’autre part, leurs innovations thérapeutiques seront tellement contraintes de fournir preuves sur preuves et ratios économiques qu’on peut se demander s’il sera toujours possible de faire de la recherche en France et même si les fruits de celle-ci, faite à l’étranger, pourront se commercialiser dans notre beau pays. Et cela c’est grave : si de nouveaux médicaments ne sont pas trouvés, certaines maladies deviendront de plus en plus difficiles à traiter. Prenons le cas d’actualité de l’Escherichia Coli qui a provoqué des morts en Allemagne et en France. Les antibiotiques actuels sont pratiquement inefficaces sur elle. Il faut en trouver de nouveaux. Comment ?
Mais à nouveau, question sous-jacente : Les progrès de la médecine et de la pharmacie qui ont accru l’espérance de vie d’un trimestre par an depuis plus d’une décennie sont-ils compatibles avec une économie où les retraités deviennent de plus en plus nombreux avec en parallèle un nombre d’enfants limité ? Faut-il continuer cette politique de santé qui fait de plus en plus de centenaires ?

Demain, je souhaite à monsieur Bertrand et aux génies qui l’ont inspiré de pouvoir disposer de suffisamment de revenus pour aller se faire soigner, quand l’âge sera venu, hors de nos frontières.

mercredi 15 juin 2011

MEDIATOR® : L'ACHARNEMENT



D
epuis le second semestre de l’année 2010, on assiste avec surprise, pour ne pas dire avec stupéfaction, à une attaque permanente contre une entreprise française. Presque tous les médias, la classe politique française dans son ensemble, et l’administration de la Santé Publique se sont ligués contre un des tout derniers laboratoire français indépendants, exportateur de plus de 80% de ses médicaments, lesquels sont issus en totalité de sa recherche, qui en fabrique la plus grande partie dans son usine proche d’Orléans, Les Laboratoires Servier. Depuis des mois, il ne se passe pas de semaine, pour ne pas dire de jour, sans que la vindicte anti-Servier ne s’applique avec une violence ahurissante. Depuis des mois, les ouvriers, les chercheurs, les visiteurs médicaux, les cadres, les responsables, les assistantes, les standardistes, les pharmaciens, les médecins salariés de Servier sont en permanence agressés par des mots, des articles, des émissions, de la part de leurs amis et au sein même parfois de leurs propres familles. Depuis des mois, des gens honnêtes sont considérés comme des bandits et doivent à la fois se défendre et défendre leur entreprise. Depuis des mois, ils mènent un combat moral épuisant mais ils le font avec de plus en plus de fermeté et de générosité, révélant par là un admirable esprit français de lutte et de résistance. Car les attaques et les coups bas visent non seulement l’entreprise mais aussi son Président, le Dr Jacques Servier qu’ils aiment et respectent. Tous les coups semblent permis, toutes les accusations sont possibles, tous les sous-entendus, toutes les insultes, sans que personne ne songe un instant que, quels que soient les faits, ils doivent être prouvés et qu’un jugement doit avoir été prononcé pour affirmer une culpabilité.
Que ce soit la presse quotidienne, de droite comme de gauche, à commencer par le Figaro qui renoue avec sa tradition de hurler avec les loups, les magazines hebdomadaires, les agences, les radios et les télévisions, l’acharnement est absolu. Parmi les personnalités politiques, où l’on ne fait pas davantage de distinguo entre les hommes de gauche et ceux de droite, la vindicte de certains est inimaginable, le Ministre de la Santé lui-même a pris la tête d’une véritable croisade. Les parlementaires nommés à la tête des commissions parlementaires, de toutes appartenances politiques, ont fait des déclarations aussi retentissantes que non fondées, mais appuyées seulement sur des présomptions et sur « ce qu’il faut dire et penser ».

Que s’est-il donc passé pour que soit engendrée une haine aussi grande ?
Nous rappellerons les faits en commençant par des définitions et même par un peu d’histoire.

Qu’est-ce qu’un médicament ?
C’est une substance chimique développée dans des conditions très particulières de soin et de rigueur, dans le passé à partir de produits naturels, animaux ou végétaux, souvent désormais à partir de chimie pure où l’appoint de l’informatique en 3D joue un rôle fondamental.

Les médicaments sont-ils dangereux ?
Non, quand ils sont bien utilisés pour traiter la maladie contre laquelle ils ont été conçus, mais oui, quand ils sont employés à une dose erronée ou à mauvais escient. Cela dit, tous, sans exception, ont des effets secondaires qui accompagnent leurs effets primaires. Ces conséquences néfastes sont rares et il appartient au médecin de les peser face au bénéfice qu’il attend pour ses malades.
Prenons un exemple, celui de l’aspirine. Médicament ancien, puisqu’il est né de l’observation d’un berger grec d’il y a 2400 ans ayant constaté que lorsque ses chèvres avaient la fièvre elles broutaient des feuilles de saule. De l’infusion de ces feuilles on passa en diverses étapes à l’acide acétylsalicylique qui est l’aspirine que nous connaissons. Très efficace sur la fièvre, l’inflammation et les douleurs, puis sur la circulation du sang qu’elle empêche de coaguler, l’aspirine est utilisée par tout le monde et se vend librement en pharmacies. Cependant le revers de la médaille, ce sont les nausées et l’ulcère de l’estomac qu’elle peut provoquer, ainsi qu’à forte dose, une modification de la formule sanguine et des intolérances graves pouvant entraîner la mort. Ses effets secondaires sont tels qu’on prétend que de nos jours, il serait impossible de la faire admettre comme médicament.

Que sont Les Laboratoires Servier ?
Ils ont été créés par le Dr Servier en 1954, à Orléans, à partir d’une officine pharmaceutique familiale, avec neuf personnes. D’origine, certaines règles furent fixées touchant au développement des hommes, de l’entreprise et de ses produits :
On doit être heureux dans l’entreprise et donc on doit travailler avec de bons collaborateurs, correctement payés et placés dans une ambiance de travail chaleureuse leur permettant de se développer, et partant, de développer la société.
On doit développer de nouveaux médicaments, sûrs et efficaces, apportant des améliorations thérapeutiques, et ainsi contribuer au bien-être des malades et à la satisfaction de leurs médecins.
On doit développer le secteur international pour ne pas dépendre des aléas d’un seul pays où les politiques sont changeantes et les risques constants : comment nier ce dernier point quand on songe qu’il y avait plus de 3000 laboratoires en France et qu’il n’en reste que 150 à 200 aujourd’hui, dont l’immense majorité ne sont plus que des filiales de laboratoires étrangers ?

Sans doute moins atteinte que beaucoup d’autres par l’idée de lucre, car Servier n’a pas d’actionnaires et n’est en Bourse nulle part, le laboratoire n’a donc pas besoin de rechercher désespérément à faire de grands bénéfices pour procéder à des rachats de laboratoires de par le monde. Tous ses gains sont réinvestis dans sa recherche. Car on ne le sait pas assez, il faut à notre époque plus d’un milliard d’euros pour développer et commercialiser une nouvelle molécule. Et Servier s’y emploie. Qu’on en juge :
Non seulement de grands produits dans des domaines aussi variés que les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’ostéoporose ou la dépression mais aussi une grande image de la France puisque Servier développe le génie français et le met en valeur dans 140 pays, dont plus de 60 sont dotés d’une filiale, de la Chine au Canada, de l’Australie à l’Argentine, du Pakistan au Brésil.
Dans le même temps qu’on découvre que les principes actifs des médicaments d’aujourd’hui sont fabriqués de façon essentiellement délocalisée, en Inde ou en Chine, avec les risques que cela comporte sur la qualité (cf. l’émission télévisée « C dans l’air » du 10 juin 2011), il est bon de rappeler que Les Laboratoires Servier fabriquent leurs matières premières en France, à Bolbec, dans deux usines qui bénéficient d’investissements permanents.

L’affaire Mediator®
Mediator ou benfluorex est une molécule synthétisée dans les années 60 et mise sur le marché en 1976. Il était destiné au traitement des hypertriglycéridémies (graisses dans le sang) et du diabète. Il ne fut jamais ni reconnu, ni promu comme anorexigène (coupe-faim). Au mieux, si l’on avait noté un tel effet sur le rat, il n’en eut jamais chez l’homme et l’on prouva même qu’un an de traitement ne faisait baisser le poids des malades que d’un kilo (à savoir même si un petit régime n’en était pas responsable).
Mais il appartient à une famille chimique dont furent issus la fenfluramine (Pondéral®) et la dexfenfluramine (Isoméride®), produits fameux dans la décennie 90 qui furent retirés du marché en septembre 1997, accusés de provoquer des accidents cardiovasculaires graves (hypertension artérielle pulmonaires et valvulopathies). Tout le problème est là : « la même famille ». Il faut savoir que la chimie n’est pas synonyme de physiologie ou de pharmacologie. Deux molécules d’une même famille peuvent avoir des effets tout à fait différents : la famille des stéroïdes par exemple contient à la fois le cholestérol, la cortisone, la progestérone, l’œstradiol et la testostérone. On ne peut dire qu’il y ait similitude entre ces composés, en particulier les deux derniers, hormone femelle et hormone mâle dont les effets sont directement opposés !
C’est cependant ce qui va se passer.

L’affaire isoméride avait cependant abouti à ce qu’une surveillance particulièrement stricte soit imposée sur les effets secondaires du Médiator. Les centres de pharmacovigilance étaient alertés. Il ne fallait pas laisser passer un cas. Et quoi ? Rien. Le dossier de pharmacovigilance reste vide ou presque pendant des années. A tel point que l’Afssaps donnera une autorisation de mise sur le marché à deux génériques du produit en 2008 ! Ils seront lancés par les laboratoires Sandoz et Mylan en 2009. Pour quelques mois seulement, les pauvres…

Car le Dr Irène Frachon, médecin de Brest, s’installe sur le devant de la scène et ne la quitte plus après avoir fait paraître en juin 2010 un livre contre le Mediator. Quand on lit son histoire sur Internet, son opposition au produit daterait de 2008 ; mais en mars 2009 elle cosigne cependant un article dans le European Respiratory Journal, où elle rapporte cinq cas d’hypertension artérielle pulmonaire et un cas de valvulopathie sous benfluorex (dans deux cas, il y avait eu prise préalable d’Isoméride). On lit dans le résumé initial : « Par contraste avec le fenfluramine et la dexfenfluramine, on n’a pas jusqu’à présent rapporté que benfluorex soit associé avec des effets secondaires cardiovasculaires fréquents ». De même, la conclusion précise : « Cette petite série de cas reliant benfluorex et hypertension artérielle pulmonaire ne démontre pas de lien de cause à effet entre benfluorex et HTAP ».
DONC :
Puisqu’elle précise en mars 2009 qu’il n’y a pas encore eu de problème Médiator, il est donc assez étonnant de la voir déclencher cette guerre acharnée contre Servier après que ce laboratoire a retiré le produit du marché. Ce retrait est intervenu à la suite d’un essai réalisé par Servier (étude Regulate) ayant démontré l’aggravation de certaines valvulopathies préexistantes chez les patients diabétiques (car ils sont portés à en développer). Elle est intéressante d’ailleurs, cette étude comparative en double aveugle entre le benfluorex et la pioglitazone, car cette dernière molécule vient d’être retirée du marché pour les cas de cancers de la vessie dont elle augmente le risque de 22%… Qui donc a vu se déchaîner les médias contre Takeda, le laboratoire fabricant de cette molécule commercialisée depuis 2002 ? Ce silence est un premier signe de réaction différentiée qui nous fait parler de « d’acharnement » contre Servier.
Toujours est-il qu’à la suite de cette étude Regulate, dont les résultats sur les valvulopathies avaient été communiqués la commission nationale de pharmacovigilance fin septembre 2009, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire (Afssaps) et Les Laboratoires Servier ont décidé d’un commun accord de retirer le Mediator du marché. Cela se passe le 26 novembre 2009.  Sept mois plus tard, Irène Frachon sort son livre…

Le Figaro sous la plume d’une nouvelle venue, Anne Jouan (photo), publie un premier article le 4 juin 2010 sur une patiente consommatrice de Mediator ayant porté plainte contre Servier. On met en place : Irène Frachon est une Jeanne d’Arc qui veut bouter le Mediator hors de France et Servier un laboratoire horrible qui cherche à censurer son livre.
Elle a la plume leste et facile la journaliste et bien qu’elle souhaite masquer son visage à la télévision, elle est sur Internet. Elle commettra ensuite de nombreux autres articles, toujours très agressifs, toujours à point nommé, dès que « ça refroidit » dans les médias.

Le 24 août 2010, le député Gérard Bapt, rapporteur de la mission santé pour la Commission des Finances, publie dans Le Monde une chronique très hostile où, s’appuyant sur la thèse d’une étudiante en pharmacie qui a pris le Dr Frachon dans son jury et l’article précédent, il évoque les « morts » dus au Mediator et le déni de Servier.

Sur ces premières bases, la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie rédige un rapport d’étude publié le 28 septembre 2010 et remis à l’Afssaps le même jour. Parmi les malades traités au Mediator en 2006, la CNAM relève un certain nombre de cas de valvulopathies, vérifie le nombre de décès consécutifs à ces dernières, étend cette proportion à l’ensemble des malades ayant consommé du Mediator depuis son lancement et tire cette conclusion terrible : le médicament a fait entre 500 et 2000 morts depuis sa mise sur le marché, sans compter les patients diminués, opérés, subissant des séquelles de ces atteintes de leurs valves cardiaques.
Oui, mais :
1.     Encore une fois, rappelons que le patient diabétique est naturellement exposé à une atteinte valvulaire. C’est une des premières conclusions de l’étude Regulate qui mentionne que 51% des patients en présentaient à leur incorporation dans l’étude.
2.     Un rapport du professeur Jean Acar met en doute cette statistique de la CNAM le 11 janvier 2011. Il conclut : « Travail intéressant mais préliminaire (…) Il apporte des données utiles mais comporte des lacunes et des erreurs tenant à la méthodologie utilisée et à une analyse peu rigoureuse (…) des patients décédés. Ces enquêtes ne permettent pas une estimation fiable de la fréquence des valvulopathies sévères liées au benfluorex. De ce fait, toute extrapolation sur ces bases à l’ensemble des patients exposés au benfluorex nous paraît arbitraire (…). La comparaison avec un groupe de contrôle exempt de tout traitement par benfluorex serait certainement souhaitable. » Donc les chiffres sur la base desquels la CNAM a tiré ses conclusions sont faux. Jean Acar en fait le détail : Sur les 64 décès, 7 observations manquent de tout diagnostic cardiologique, 11 fois le benfluorex ne paraît pas vraiment en cause et 46 fois il pourrait mis en cause au même titre qu’une autre étiologie (cause de la maladie).
C’est impensable mais vrai : le chiffre de « 500 à 2000 morts » qui a fait tant de bruit est fondé sur une erreur.
Or le professeur Acar est une personnalité reconnue dans le domaine des pathologies valvulaires cardiaques. Il a été chef de service de cardiologie à l’hôpital Tenon à Paris et fondateur du groupe valvulaire de la Société Française de Cardiologie. Mais peu de bruit sera fait autour de ce rapport que les Autorités ne considéreront même pas.

Ce sera au contraire le rapport de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) qui en six semaines rédigera un rapport de 250 pages, une synthèse de 16 pages, après avoir collecté et photocopié plus de 3000 pages d’archives. Un record administratif tel qu’un léger doute s’installe sur sa date de début… Chose étrange, l’IGAS n’entendra à aucun moment les dirigeants de Servier. A nouveau, il n’y a de place que pour l’accusation dans ce dossier. On ne parlera que de tromperie et de mensonge, en confondant tout, en amalgamant tout, en sélectionnant l’information aussi, quand il le faut. On évitera par exemple dans la synthèse d’évoquer les deux génériques qui avaient reçu leur AMM un an avant le retrait du produit. On ne cherchera en un mot qu’une chose, à démontrer que Servier est un grand Satan et que l’Afssaps n’est qu’une pauvre agence qui travaille de son mieux, avec peu de moyens, dans un monde cruel où les laboratoires font la loi.
Cette histoire de tromperie dont on accuse Servier est habile car elle permet non seulement d’enfoncer le laboratoire mais aussi de dédouaner l’Afssaps qui n’a finalement pêché, la pauvre, que par excès de confiance.

Sur la base de ce rapport, le Président Sarkozy montrera sa neutralité en nommant deux experts, Bernard Debré, de l’UMP et Philippe Even, du PS, tous deux médecins. Nos deux compères vont rédiger un rapport au vitriol qui remet en cause le système de contrôle des médicaments en France, qui affirme que la plupart des médicaments sont des copies, qui assure que l’Afssaps ne fait pas son travail, et définit enfin Servier comme un laboratoire félon (sic). Une preuve parmi d’autres : le Mediator aurait été radié d’Espagne et d’Italie en 2003… et maintenu en France. C’est nier la vérité qui est que le produit fut interrompu dans ces deux pays par les directeurs généraux des filiales Servier respectives, faute de ventes suffisantes. Mais il faut mettre la vérité au service d’autres intérêts, n’est-ce pas ?
Emporté par sa fougue déclamatoire, le député Debré accusera sur Europe I le Dr Servier d’être « un criminel ». Ce qui lui vaudra une plainte déposée contre lui. Quant au Dr Even, certains se souviennent qu’il voulut un jour soigner le sida de trois malades à la ciclosporine (immunosuppresseur utilisé dans les greffes) sans en référer à quiconque. Bilan : trois morts.
Ce qui est plus intéressant (et moins anecdotique) c’est que Debré, Even et même Bapt cité plus haut (et qui en est le président fondateur) appartiennent tous les trois à une « fraternité », le Club Hippocrate, qui regroupe des parlementaires.
·    Huit des 11 membres de la mission d’information de l’Assemblée Nationale sur le Mediator en font partie : Mme Valérie Boyer, MM. Gérard Bapt, Jean-Pierre Door, Jean Bardet, Jacques Domergue, Arnaud Robinet, Jean-Louis Touraine, Jean-Luc Préel.
·    Six des 24 membres de la mission d’enquête du Sénat en sont également : MM. Alain Vasselle, Gilbert Barbier, Bernard Cazeau, Alain Fauconnier, Dominique Leclerc et Jean-Louis Lorrain.
Ce club est financé par un laboratoire international. Que c’est dommage pour ceux qui entendent laver plus blanc que le blanc ! Et quand cette dépendance financière est montrée du doigt, on voit disparaître de son site les noms des directeurs, celui de monsieur Bapt en tête, et l’on constate grâce à son adresse IP, que l’ordinateur qui a servi à cet effacement était au Sénat…

Last but not the least, le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand est un des plus virulents contre le deuxième laboratoire français et le Dr Servier, celui que le Président Sarkozy se plaisait naguère à traiter amicalement. Cherche-t-il à faire oublier que lors de son premier mandat de ministre de la Santé, il ne réagit pas à l’avis de la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui s’était prononcé en 1999 et en 2006 en faveur du déremboursement du Mediator, avis que notre ministre n’avait pas suivi ? Quand le journaliste Patrick Cohen lui suggéra à la télévision qu’il avait peut-être été complaisant vis à vis de Servier, on crut que son interlocuteur allait le jeter par la fenêtre. Sa méthode aussi est habile, sinon très éthique : pour bien faire comprendre aux médecins qu’ils n’ont pas intérêt à s’opposer à lui et à soutenir Servier, il leur annonce un jour que tous ceux d’entre eux qui ont prescrit le Mediator hors de ses indications (par exemple comme coupe-faim) devront en payer les conséquences. Peu de jours après, il revient sur cette déclaration et précise que seul le laboratoire Servier sera considéré comme responsable. Ça laisse quand même un doute…

Voilà donc l’enchaînement et les acteurs de cet acharnement. La question est « pourquoi ? ». Faut-il chercher dans les clubs et les officines, faut-il rechercher dans l’histoire des personnes, faut-il mettre en cause des laboratoires concurrents, jaloux des succès de Servier et souhaitant le racheter, lui qui n’est pas à vendre et ne le sera jamais ? Qui a les moyens financiers ou de pression suffisants pour entretenir une cabbale depuis tant de temps, dans autant de médias, avec une seule et même voix. Qui ou quoi le laboratoire Servier gêne-t-il ?

Certes, Servier n’est semblable « à aucune autre entreprise pharmaceutique », comme on se plaît à le répéter en interne. Certes, on n’y pratique pas le bourrage de crâne idéologique, on n’y recrute pas comme ailleurs, on ne distribue pas de dividendes puisqu’il n’y a pas d’actionnaires. Certes, Servier fait de l’ombre avec ses grands produits à des laboratoires internationaux cotés. Certes enfin, quand une de ses toute récentes molécules, le terutroban, arrive en fin d’une immense étude clinique et n’y démontre pas de différence significative d’efficacité par rapport aux produits existants, on met la molécule à la poubelle avec le milliard d’euros qu’elle a coûté, dans une grande souffrance d’entreprise mais aussi dans un merveilleux sens de l’éthique. Car tous les laboratoires ne l’ont pas et c’est cette leçon de morale dont ils enragent, terrés au sein de leur chambre syndicale, le LEEM, frileuse organisation destinée à ne pas faire de vagues et qui depuis plusieurs décennies a laissé disparaître l’Industrie Pharmaceutique Française.
Cela devrait faire comprendre à tous ces moralistes de la dernière heure, eux qui font pression sur la justice par le biais de la rue et des médias, à tous ces accusateurs déchaînés, qu’ils cherchent à détruire un des plus beaux et des derniers fleurons de l’industrie française qui ne veut simplement pas courber l’échine devant leurs diktats mais entend rester ce qu'elle est, une entreprise de Santé, dédiée aux médecins et aux malades.

Je travaille pour Servier depuis bientôt douze ans, dans des pays difficiles. J’en suis fier.