jeudi 19 septembre 2019


Il y a quelques années, en initiant ce blog, je mentionnais que je travaillais pour Les Laboratoires Servier. Depuis, j’en ai pris ma retraite. Et si je ne retire pas une virgule de ce que j’écrivais alors, j’ai davantage la liberté d’écrire ce que je pense et ce que je sais, et de le signer puisque je suis dégagé des éventuelles réserves que j’aurais pu avoir alors.

Depuis la date de mon dernier article, il y a sept ans de cela, le Dr Jacques Servier est mort, le Dr Hélène Frachon a dit avec haine qu’elle regrettait qu’il ait ainsi échappé à son procès, elle qui rêvait de le voir mis au bûcher, et, comme Grande Inquisitrice, de gratter elle-même l’allumette. Le film dont elle était l’héroïne n’a pas eu tout le succès escompté, les acteurs de l’époque sont lentement, comme elle, entrés dans l’oubli. Il y a eu des distractions de l’opinion publique, certaines font rire, d’autres sont hélas épouvantables : François Hollande, l’éternel trempé de pluie, cravate de travers et casque de moto au sommet du crâne, l’horreur des morts par terrorisme, puis Macron et ses bras levés en triangle, les gilets-jaunes et leurs excès, et la décomposition lente et sereine de la société française.

Mais le 23 septembre prochain, oyez, braves gens, il va y avoir du nouveau ! Le procès au pénal de Servier s’ouvre ! Un article du récent n° 2863 de l’Obs fait ressurgir notre Sainte Hélène, présentée dans une photo pleine page en petite sirène sur les rochers de Trez Hir, en Bretagne.

Elle rappelle dans son interview l’étude de l’épidémiologiste Catherine Hill concluant sur 2000 morts et 3500 hospitalisations liés au Mediator®, sans préciser que la méthodologie de cette étude fut désavouée par la communauté scientifique, dont des gens de haut niveau comme le Professeur Acar, spécialiste mondial des valvulopathies, ou le professeur Alperovitch qui fit là-dessus un rapport alarmant à la Direction Générale de la Santé. Elle s’abstient tout autant de préciser que madame Hill est la tante de l’avocat des plaignants, Maître Charles-Joseph Oudin. Vous avez dit « conflit d’intérêts » ? Madame Frachon précise que d’autres épidémiologistes ont abouti aux mêmes estimations, sans dire qu’ils avaient suivi la même méthode que leur consœur Hill.

Qu’en est-il vraiment du Mediator® ou benfluorex ? Il n’est pas niable que ce médicament a provoqué des accidents tels que ceux qu’on lui reproche. Mais dans quelles proportions et avec quelle responsabilité ?
Ce qui n’est pas encore clair, c’est le nombre réel de cas, le nombre réel de morts, et les abus éventuels de dosage prescrit par certains médecins. Car dans le traitement de l’hyperlipidémie (trop de lipides dans le sang) puis dans le traitement du diabète par insulinorésistance, dit « diabète de type 2 », la dose recommandée était un maximum de 3 comprimés par jour. A cette dose, la perte de poids des patients ne dépassait pas 1 kilo. On sait que certains médecins augmentaient considérablement cette posologie dans le but de faire maigrir leurs patientes. Cette utilisation erronée d’un médicament est souvent le fait de praticiens qui pensent avoir découvert un usage différent de celui préconisé par le laboratoire et enregistré comme tel par les Autorités de Santé. On sait par exemple que la metformine (Glucophage®) un antidiabétique connu et qui agit également sur l’insulinorésistance, est parfois prescrite mal-à-propos pour faire maigrir et que la perte de poids peut atteindre 10 kg en quelques mois. Par quel mécanisme ? Pour diminuer le taux de glucose dans le sang, le pancréas produit de l’insuline qui favorise le stockage de ce sucre, en particulier dans les cellules hépatiques, dans les muscles et dans la graisse. Quand ces cellules ne réagissent plus, ou moins bien, on parle d’ insulinorésistance. Quand l’insuline est ainsi rendue inefficace, le glucose se stocke sous forme de graisse. On prend du poids. Les médicaments qui rendent son efficacité à l’insuline ou empêchent l’absorption des glucides font donc maigrir.
Concernant le Mediator®, le dossier de pharmacovigilance était si peu fourni que deux génériques avaient été autorisés en mars 2008 (!), dont avaient bénéficié les Laboratoires Mylan et Merck. Malgré cela, en fonction de deux cas d’effets secondaires graves, l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) surveillait depuis 1995 les médicaments à base de benfluorex. En 2007, constatant probablement les abus décrits plus haut (ils atteignaient, semble-t-il 20% des prescriptions), elle recommandait seulement d’éviter sa prescription comme coupe-faim.
C’est en 2009 que Servier, sur la base d’une étude comparative avec un autre antidiabétique (étude Regulate), constatait une aggravation de certaines valvulopathies liées au diabète et en accord avec l’AFSSAPS retirait le produit du marché.

Alors où sont les responsabilités ?

Espérons que les juges sauront faire le tri entre ce qui est du domaine du sensationnel, de la publicité personnelle ou de l’intox, et ce qui relève de la réalité, et feront la part des responsabilités des principaux acteurs de cette triste histoire.

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