Il y
a quelques années, en initiant ce blog, je mentionnais que je travaillais pour Les
Laboratoires Servier. Depuis, j’en ai pris ma retraite. Et si je ne retire pas
une virgule de ce que j’écrivais alors, j’ai davantage la liberté d’écrire ce
que je pense et ce que je sais, et de le signer puisque je suis dégagé des
éventuelles réserves que j’aurais pu avoir alors.
Depuis
la date de mon dernier article, il y a sept ans de cela, le Dr Jacques Servier
est mort, le Dr Hélène Frachon a dit avec haine qu’elle regrettait qu’il ait
ainsi échappé à son procès, elle qui rêvait de le voir mis au bûcher, et, comme
Grande Inquisitrice, de gratter elle-même l’allumette. Le film dont elle était
l’héroïne n’a pas eu tout le succès escompté, les acteurs de l’époque sont
lentement, comme elle, entrés dans l’oubli. Il y a eu des distractions de l’opinion
publique, certaines font rire, d’autres sont hélas épouvantables : François
Hollande, l’éternel trempé de pluie, cravate de travers et casque de moto au
sommet du crâne, l’horreur des morts par terrorisme, puis Macron et ses bras
levés en triangle, les gilets-jaunes et leurs excès, et la décomposition lente
et sereine de la société française.
Mais
le 23 septembre prochain, oyez, braves gens, il va y avoir du nouveau ! Le
procès au pénal de Servier s’ouvre ! Un article du récent n° 2863 de l’Obs
fait ressurgir notre Sainte Hélène, présentée dans une photo pleine page en
petite sirène sur les rochers de Trez Hir, en Bretagne.
Elle
rappelle dans son interview l’étude de l’épidémiologiste Catherine Hill
concluant sur 2000 morts et 3500 hospitalisations liés au Mediator®,
sans préciser que la méthodologie de cette étude fut désavouée par la
communauté scientifique, dont des gens de haut niveau comme le Professeur Acar,
spécialiste mondial des valvulopathies, ou le professeur Alperovitch qui fit
là-dessus un rapport alarmant à la Direction Générale de la Santé. Elle
s’abstient tout autant de préciser que madame Hill est la tante de l’avocat des
plaignants, Maître Charles-Joseph Oudin. Vous avez dit
« conflit d’intérêts » ? Madame Frachon précise que d’autres
épidémiologistes ont abouti aux mêmes estimations, sans dire qu’ils avaient suivi
la même méthode que leur consœur Hill.
Qu’en
est-il vraiment du Mediator® ou benfluorex ? Il n’est pas niable
que ce médicament a provoqué des accidents tels que ceux qu’on lui reproche. Mais
dans quelles proportions et avec quelle responsabilité ?
Ce
qui n’est pas encore clair, c’est le nombre réel de cas, le nombre réel de
morts, et les abus éventuels de dosage prescrit par certains médecins. Car dans
le traitement de l’hyperlipidémie (trop de lipides dans le sang) puis dans le
traitement du diabète par insulinorésistance, dit « diabète de type
2 », la dose recommandée était un maximum de 3 comprimés par jour. A cette
dose, la perte de poids des patients ne dépassait pas 1 kilo. On sait que
certains médecins augmentaient considérablement cette posologie dans le but de
faire maigrir leurs patientes. Cette utilisation erronée d’un médicament est
souvent le fait de praticiens qui pensent avoir découvert un usage différent de
celui préconisé par le laboratoire et enregistré comme tel par les Autorités de
Santé. On sait par exemple que la metformine (Glucophage®) un
antidiabétique connu et qui agit également sur l’insulinorésistance, est
parfois prescrite mal-à-propos pour faire maigrir et que la perte de poids peut
atteindre 10 kg en quelques mois. Par quel mécanisme ? Pour diminuer le taux de
glucose dans le sang, le pancréas produit de l’insuline qui favorise le
stockage de ce sucre, en particulier dans les cellules hépatiques, dans les
muscles et dans la graisse. Quand ces cellules ne réagissent plus, ou moins
bien, on parle d’ insulinorésistance.
Quand l’insuline est ainsi rendue inefficace, le glucose se stocke sous forme
de graisse. On prend du poids. Les médicaments qui rendent son efficacité à
l’insuline ou empêchent l’absorption des glucides font donc maigrir.
Concernant
le Mediator®, le dossier de pharmacovigilance était si peu fourni
que deux génériques avaient été autorisés en
mars 2008 (!), dont avaient
bénéficié les Laboratoires Mylan et Merck. Malgré cela, en fonction de deux cas
d’effets secondaires graves, l’AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire
des Produits de Santé) surveillait depuis 1995 les médicaments à base de benfluorex.
En 2007, constatant probablement les abus décrits plus haut (ils atteignaient,
semble-t-il 20% des prescriptions), elle recommandait seulement d’éviter sa
prescription comme coupe-faim.
C’est
en 2009 que Servier, sur la base d’une étude comparative avec un autre
antidiabétique (étude Regulate),
constatait une aggravation de certaines valvulopathies liées au diabète et en
accord avec l’AFSSAPS retirait le produit du marché.
Alors
où sont les responsabilités ?
Espérons
que les juges sauront faire le tri entre ce qui est du domaine du sensationnel,
de la publicité personnelle ou de l’intox, et ce qui relève de la réalité, et feront
la part des responsabilités des principaux acteurs de cette triste histoire.